1ères Assises des Industries Culturelles et Créatives, une mobilisation forte et des promesses d’action


La séance d'ouverture tenue vendredi 4 octobre, devant une large audience de 600 participants, a permis aux représentants des principales parties prenantes institutionnelles et professionnelles d'exprimer leur vision et ambitions quant à l'émergence des industries culturelles en tant que facteur de développement socioéconomique,

Rappelons que l’objectif de ces 1ères Assises est de poser un grand débat sur les axes d’amélioration et des réformes, ainsi que les synergies nécessaires pour accompagner l’émergence d’une industrie culturelle, pour favoriser le renforcement du tissu d’entreprises, d’artistes et d’organisations professionnelles qui le constituent (Cf détails de la séance d’ouverture dans le communiqué du 4 octobre en pj).

L'après midi du vendredi a été d'abord dédiée au thème de « L’écosystème culturel en quête d’évolution » : comment créer les conditions de l’émergence des industries culturelles ? Quelles modalités de financements, comment arriver à une meilleure réglementation et une gestion plus efficace des infrastructures ? Comment mobiliser les acteurs politiques et économiques autour des défis de la gouvernance d’un écosystème vivant et créateur de richesse ? Comment arriver à un meilleur maillage territorial ? Ces sujets ont été débattus en présence de Zouhair Chorfi, Secrétaire général du Ministère de l’Economie et des Finances qui a évoqué les chiffres et les dispositifs de soutien à la culture, qui a rappelé la nécessaire mise en place d’un mécanisme fiscal spécifique aux besoins du secteur culturel, tel que formulé en mai dernier à l’issue des Assises de la Fiscalité. Khalid Safir, Wali Directeur Général des collectivités locales, a abordé le rôle des régions et des collectivités locales dans la mise en oeuvre de la politique culturelle partagée à travers l'ensemble des territoires. Il s’est engagé à conduire un roadshow régional avec la Fédération des Industries Culturelles et Créatives. Carole E. Croella, Conseillère Principale au sein de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, spécialiste du droit à la propriété intellectuelle, a expliqué l'importance de ce pilier juridique incontournable au développement sain des différentes filières culturelles, créatrices de valeur et de richesse. Elle a exprimé la pleine volonté de l’OMPI d’accompagner le Maroc dans l’amélioration du cadre législatif existant en la matière et de tenir des journées d’étude avec les professionnels. Farid Bensaid, Président de Ténor Group et Président Fondateur de l’Orchestre Philharmonique du Maroc, a partagé sa solide expérience, fondée sur sa double vision d'entrepreneur et d'artiste.

Enfin Hicham Abkari, Vice-Président de la FICC et Directeur du Théâtre Mohammed VI de Casablanca, a prêché notamment pour une nouvelle gouvernance des lieux de culture existants et la simplification des procédures et de la nomenclature régissant ces lieux, les espaces de diffusion des œuvres étant au cœur de la chaîne de valeur des ICC.

La première journée s'est achevée par un débat portant sur le thème majeur « Synergies et inclusion, leviers d’une nouvelle vision stratégique ». Ce panel a donné la parole à Mohamed Sajid, Ministre du Tourisme, du Transport Aérien, de l’Artisanat et de l’Economie Sociale, qui a défendu l’obligation d’œuvrer à une meilleure valorisation du patrimoine et de l’offre culturelle pour permettre d’affiner le positionnement des villes phares du Royaume et soutenir leur attractivité touristique. Othman Cherif Alami, Président d’Atlas Voyages a, pour sa part porté un regard critique sur les dispositifs de soutien à la culture spécifiques aux produits touristiques, en se référant notamment à des références internationales en matière de benchmarks et de bonnes pratiques. Bahia Amrani, Présidente de la FMEJ (Fédération marocaine des éditeurs de journaux), a quant à elle a rappelé l’importance du rôle de la presse dans la promotion des artistes et de leurs œuvres. Elle a plaidé ardemment pour que la question culturelle soit mieux valorisée dans les médias, et cela au regard de l’importance du sujet et ses corrélations avec les champs intellectuels, politiques et économiques. Maria Bahnini, en sa qualité de conseil juridique, a attitré l’attention du public sur les réalités et les limites du texte actuel en matière de PPP et la nécessité de réformer le cadre réglementaire des partenariats public-privé afin de le rendre plus opérationnel, notamment en matière d’exploitation des sites culturels publics. Elias Khrouz, Avocat spécialisé en Droits d’auteur et en propriété industrielle, a explicité l’importance de la protection des artistes et de leurs œuvres dans le schéma de la production culturelle.

Le programme des Assises des Industries Culturelles et Créatives s’est poursuivi samedi 5 octobre 2019 à travers deux autres panels. Le thème de « La Culture, source d’équité, modernité et durabilité », central par rapport à la problématique d’intégration des ICC aux objectifs du développement durable, été d’abord abordée par Nassima Touati, enseignante dans le monde rural, élue d’Essaouira au Conseil de la Région Marrakech-Safi et activiste culturelle. Cette dernière s’est attardée sur la nécessité d’inclure la culture dans l’éducation, pour doter les enfants de capacités à développer leur esprit critique, de leur ouvrir des vocations professionnelles et développer leur sens de l’engagement pour le bien de la communauté. Mohamed Tozy, universitaire, professeur de sciences politiques, n’a pas manqué de faire un témoignage personnel précisant à quel point il doit sa formation académique à la fréquentation assidue d’un ciné club qu’il a présidé dans les années 70 et qui était un lieu de débats et d’apprentissage. Tozy a rappelé les différentes notions du « droit à la culture » tel qu’il est inscrit dans les différents textes (Déclaration des Droits de l’Homme, Constitution marocaine, déclaration de Fribourg) et dans cette même déclaration le droit au « produit culturel », l’accès à ce produit étant considéré comme une « obligation de créance », droit inaliénable avec l’obligation de faire accéder le citoyen au « produit culturel » dans le respect de la diversité conformément aux recommandations des Nations Unies. Tozy a rappelé qu’au cœur du sujet de ces assises se trouve le défi de relever cette obligation de donner l’accès au produit culturel au plus grand nombre tout en protégeant la création, en veillant au respect des droits de la propriété intellectuelle pour permettre aux professionnels de développer leurs activités.

Jamaâ Baïda, historien marocain, Directeur des Archives du Maroc, a clarifié le rôle des archives qui ne se résument pas seulement à des données patrimoniales mais également et surtout à une culture de la transmission de la connaissance et de l’information. A cet effet il invite aujourd’hui plus que jamais les décideurs gouvernementaux à considérer le travail et les archives de leur prédécesseurs pour parvenir à construire une vision durable. Abdelaziz El Idrissi, Directeur du Musée Mohammed VI d'art moderne et contemporain, a défendu la démocratisation de l’accessibilité aux musées et autres institutions culturelles et la vocation d’animation des musées à travers une programmation artistique diverse et inclusive. Karim Hendili, chargé du programme Culture à l’UNESCO, a quant à lui insisté sur le rôle de la culture génératrice de revenus pour assurer la continuité de son existence. Il a par ailleurs annoncé l’inauguration prochaine à Paris du premier Forum mondial des Ministres de la Culture, le premier depuis 1998.

Invité pour un grand témoignage, Francisco de la Torre Prados, Maire de la ville de Malaga depuis 19 ans, a expliqué comment sa ville a fait le choix des industries créatives, et de l’innovation technologique au service de la création culturelle, pour développer sa ville devenue une des plus importantes destinations muséale au monde avec 37 musées. Enfin Mohamed Berrada, économiste, ancien Ministre des Finances et ancien Ambassadeur du Maroc en France, est venu à contre-courant de la position classique des économistes pour défendre la nécessité d’augmenter le budget alloué à la culture. Une approche sectorielle provoquant ainsi un retour sur investissement qui érigera effectivement la culture en facteur de croissance, justifiant la notion de capital immatériel et son influence sous-estimée sur les facteurs de productivité économico-industrielle.

En sa qualité d’ancien Ministre français de la Culture, Jack Lang, Président de l’Institut du Monde Arabe et observateur aguerri de la vie culturelle marocaine, est intervenu pour saluer l’émergence de la culture au Maroc et la fonction salutaire des Assises : «Si brillants que soient l'art et les industries de la culture du Maroc, il n'est pas anormal de vouloir donner une impulsion nouvelle et, à coup sûr, vous avez certainement, ici et là, relevé les pistes de réflexion et d’amélioration à suivre dans les prochaines années[...] Puis-je avec vous attirer l'attention sur les exigences d'une politique culturelle ambitieuse et d'abord s'attaquer à la formation et à l'éducation. À coup sûr, les écoles d'art, ici au Maroc, ont été pour les arts visuels, une source historiquement féconde [...] C'est une chance de démocratisation et d'émergence de nouveaux et forts talents. C'est le levier du développement, le tremplin vers une croissance nouvelle ».

En dernier lieu, la problématique des « Opportunités de marché pour les arts et la culture au Maroc » a été introduite Abdelkader Retnani, Vice-Président Général de la FICC et Président de l’Union Professionnelle des Editeurs du Maroc, qui a replacé l’importance de l’inclusion des acteurs culturels dans le dispositif gouvernemental et des instances politiques.

Il a également déploré le phénomène global du piratage et de l’informel, véritable fléau destructeur de valeurs économiques et artistiques, dont il a exposé des chiffres très alarmants.

Narjiss Nejjar, productrice, réalisatrice et directrice de la Cinémathèque marocaine, a souligné l’effondrement de l’affluence dans les salles de cinéma. La cinéaste a posé les termes du défi à relever, qui consiste à lever la tension commerciale existante au sein du marché cinématographique marocain et la nécessité de baisser les prix des tickets sans pour autant affaiblir les circuits de production et de distribution, ni léser les exploitants de salles. Moulay M’hammed Dammou, artiste Amazigh dont les œuvres sont disponibles sur Spotify, a partagé son expérience riche et profonde, en mettant en lumière la richesse du patrimoine marocain et particulièrement amazigh, et la pertinence de s’appuyer sur l’existant afin de bâtir et développer la culture du présent et de l’avenir. Louant les infrastructures et les potentiels existants sur le territoire national, Amina Benjelloun, Présidente de l’Association des entreprises du secteur de l’audiovisuel, a insisté sur la nécessité de libéraliser le secteur audiovisuel marocain. Elle a également insisté sur une nécessaire ouverture sur les marchés internationaux afin de mieux exporter les productions nationales (sujet également évoqué dans le discours de Habib El Malki), et la prise en compte des produits audiovisuels marocains dans les ALE . Au-delà de la propagation et du développement des supports digitaux, Hajar El Joundi, experte en marketing digital culturel et dramaturge, a consacré une stratégie d’élaboration de contenus pertinents et adaptés comme la réponse à une massification et une déperdition de la culture et de l’information. Enfin Yacouba Konaté, Directeur du Marché des Arts du Spectacle Africain, a rappelé à l’assistance la richesse du patrimoine africain et la possibilité d’une coopération riche et fructueuse entre les acteurs marocains et leurs confrères sur le continent au service d’une culture universelle et résolument africaine.

Le témoignage de Nabil Ayouch, Producteur-réalisateur, a complété cet échange en exposant l’expérience unique du projet « Film Industry » et en jetant la lumière sur le rôle essentiel des maisons de la jeunesse et de la culture et la nécessité de « donner les outils qu’il faut à cette jeunesse, les moyens de raconter leurs propres histoires, qu’ils fassent du cinéma, du théâtre, de la danse, ou autre... Ce qui est beau est ce qui est partagé et nous, Marocaines et Marocains, pouvons être fiers de ce que nous sommes aujourd’hui dans notre grande diversité ».

Salaheddine Mezouar, Président de la CGEM a souligné que le signe du succès de ces Assises est incontestablement l’implication, la volonté et la conviction des parties institutionnelles et privées de développer une nouvelle dynamique pour les ICC. Salaheddine Mezouar a rappelé un fait regrettable qui est que nous sommes un des rares pays au monde où le poids de la culture dans le PIB n’est pas évalué alors que la culture est présente à tous les niveaux. Mezouar a insisté sur le fait que le secteur privé considère la Culture et les ICC comme un levier de c-développement qui nécessite un cadre opérationnel comme tous les autres secteurs de l’économie.

En séance de clôture le Ministre de la Culture et de la Communication, Mohamed El Aaraj, s’est félicité du niveau des débats qui ont rythmé ces deux journées, et que l’objectif des Assises a été atteint, à savoir de permettre pour la première fois de poser les bases d’un grand débat, et d’aborder la question de la place que sera amenée à prendre l’industrie culturelle et créative dans le nouveau modèle de développement, et la nécessité pour chacun de l’aborder avec responsabilité.

Enfin, Abdelilah Afifi, Secrétaire Général du Ministère de la Culture, a énoncé à la tribune, les principales recommandations à l’issue de ces Assises, à savoir :

- Elaboration d’un plan stratégique national en faveur des Industries Culturelles et Créatives dans le cadre d’une démarche collaborative et participative, incluant l’ensemble des secteurs concernés

- Actualisation et renforcement de l’arsenal législatif et réglementaire prenant en considération les nouveautés et évolutions du champ culturel et créatif

- Renforcement du cadre concernant les droits de propriété intellectuelle et artistique, droits d’auteurs et droits voisins

- Institutionnalisation du soutien aux Industries Culturelles et Créatives, et encadrement de leurs champs d’intervention à travers l’adoption de textes juridiques adaptés

- Encourager l’entrepreneuriat culturel à travers des textes juridiques qui définissent l’entreprise culturelle, et un dispositif fiscal avantageux en faveur des Industries Culturelles et Créatives

- Attraction d’investissements dans le domaine des ICC

- Charte des investissements dans le domaine des Industries Culturelles et Créatives

- Mobilisation du secteur privé pour l’investissement dans les Industries Culturelles et Créatives

- Création d’un fonds national dédié au soutien des Industries Culturelles et Créatives

- Création d’un fond commun entre secteur public et secteur privé en vue de soutenir les festivals et manifestations régionales relatives aux Industries Culturelles et Créatives

- Mise en place de programmes de formation dans les domaines de l’audiovisuel et du cinéma au sein des Universités et des Instituts d’enseignement supérieur

- Introduction de nouvelles méthodes d’initiation aux arts dans les manuels scolaires

- Protection de toutes les formes d’expressions artistiques menacées de disparition, et garantie leur transmission aux générations futures

- Organisation de séminaires pour la simplification des procédures de financement des projets relatifs aux Industries Culturelles et Créatives

- Publication d’un manuel intégrant les normes, dispositifs et garanties en direction des entreprises opérant dans le domaine des Industries Culturelles et Créatives, notamment événementielles

- Inclusion des indicateurs relatifs aux pratiques culturelles dans les recensements et statistiques du Haut-Commissariat au Plan

- Recensement de tous les professionnels des industries culturelles et créatives au Maroc

- Implication des Régions et des Communes pour le renforcement et le développement des Industries Culturelles et Créatives

- Promotion des Industries Culturelles et Créatives à travers le renforcement de programmes dans le secteur audiovisuel

- Encouragement et suivi de la commercialisation des productions audiovisuelles et cinématographiques nationales à l’échelle internationale

- Renforcement de la diplomatie culturelle au service du rayonnement culturel et artistique national

Ces recommandations constituent une synthèse générale du contenu des 1ères Assises des Industries Culturelles et Créatives en prévision de l’établissement d’un rapport détaillant chaque recommandation ainsi que les sujets débattus par les participants dans le cadre de cette rencontre.

Témoignage fort de l’intérêt porté par l’ensemble des parties prenantes culturelles, institutionnelles et médiatiques, les Assises se sont conclues devant un public de plus de 400 personnes, toujours mobilisées samedi à Rabat. Les interactions vives et passionnées entre le public et les intervenants ont fait état de réelles aspirations et de l’ambition de voir se poursuivre cet événement dans les prochaines années.

Tous les participants ont surtout exprimé la volonté que les attentes soulevées par ces premières Assises, puissent être de suivies de décisions gouvernementales rapides, fortes et concrètes.

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