Le Policy Center for the New South Dresse un premier bilan de l’impact de la Covid-19 sur l’économie marocaine


Le Policy Center for the New South publie conjointement avec la Faculté de Gouvernance Sciences Economiques et Sociales (FGSES) de l’université Mohammed VI polytechnique une analyse de l’impact de la pandémie Covid-19 sur l’économie du Royaume. Le Policy Paper « Impacts de la Covid-19 sur l’économie marocaine : un premier bilan » co écrit par plusieurs économistes dont Karim El Aynaoui, président du Policy Center, reprend l’état des lieux de l’économie marocaine en cette année 2020 marquée par le confinement et la sécheresse. L’analyse relève d’un côté un impact qui va au-delà du volet économique, et met en valeur d’un autre côté les opportunités et perspectives de relanceà l’échelle nationale, continentale et internationale.

L’économie marocaine fait face à une année 2020 extrêmement difficile et complexe. La crise provoquée par le choc de la Covid-19 est singulière, multicanale et fondamentalement différente des crises précédentes. Elle altère le système productif par un double choc d’offre et de demande, amplifié, de passage, par une crise de confiance. Alors que l’année 2020 touche à sa fin, il est crucial de dresser une première évaluation circonstanciée des ramifications de cette crise, qui permettrait de mieux poser les défis et les enjeux de la politique économique pour les années à venir, devant un bilan économique à priori lourd. Ainsi, plusieurs approches ont été déployées pour fournir des ordres de grandeur approximatifs de l’impact de la crise sur l’activité économique et les équilibres macroéconomiques et sociaux.

Les analyses des économistes du Policy Center Abdelaaziz Ait Ali,Karim El Aynaoui,Badr Mandri, et deFayçal El Hossaini, enseignant-chercheur de la FGSES s’accordent sur l’ampleur de la crise et révèlent une contraction sévère de l’activité économique de

près de 7%, sous l’effet principalement des mesures de confinement et la baisse drastique de la demande étrangère. La distribution régionale du choc n’est pas uniforme et indique une plus forte exposition des régions où le secteur informel est important, le taux du secteur public est faible et où les activités touristiques et manufacturières sont prépondérantes. Ainsi, les plus grandes pertes économiques devraient être observées dans les régions de Casablanca-Settat, Tanger-Tétouan-Al-Hoceima et Marrakech-Safi, alors que les régions les moins touchées, éventuellement, sont celles de Dakhla-Oued Ed-dahab, Guelmim-Oued Noun et LaâyouneSakia el-Hamra.

Des simulations ont été élaborées pour soumettre les équilibres sociaux et macroéconomiques domestiques à ce scénario de crise économique. A l’échelle sociale, la récession profonde agirait davantage sur les classes sociales les plus précaires, puisqu’elle basculerait environ 1 million de personnes vers la pauvreté et, à peu près, 900 milles autres sous la ligne de la vulnérabilité. Les équilibres macroéconomiques internes et externes de l’économie marocaine seraient soumis à de rudes épreuves en cette année 2020 et les déficits jumeaux seraient compris entre 6% et 8% du PIB. A l’échelle interne, la détérioration du déficit budgétaire traduirait davantage une baisse prévisible des recettes fiscales plutôt qu’un accroissement volontariste des dépenses budgétaires. Les actions de soutien aux agents économiques les plus touchés se sont appuyés sur le Fonds spécial du Covid-19, dont le montant alloué avoisine 3% du PIB.  Sur la balance des paiements, le compte courant aurait considérablement pâti du « Sudden Stop » des recettes touristiques et la contraction profonde des exportations des biens et autres services. Toutefois, l’ajustement des importations et la forte résilience des transferts des Marocains résidents à l’Etranger auraient apaisé considérablement la pression sur les réserves de change. Le recours exceptionnel au financement extérieur a plus que comblé le déficit en devises et s’est soldé par une augmentation des stocks des avoirs de réserves à des niveaux élevés, au point d’observer une relative appréciation nominale du Dirham face au panier d’ancrage. 

Ainsi, les décideurs économiques seraient tiraillés entre, d’une part, l’objectif de restauration des équilibres comptables et, d’autre part, le déclenchement de politiques expansionnistes à même de revigorer la reprise économique. Les auteurs proposent que les pouvoirs publics activent tous les leviers budgétaires et monétaires à leur disposition, y compris un élargissement des bandes de fluctuation du Dirham, en anticipation des pressions sur les réserves de change. Dans ce contexte, les annonces successives de découverte de potentiels vaccins et le déclenchement prévisible de la campagne de vaccination au Maroc et dans les pays partenaires seraient de bonne augure pour la reprise de l’économie marocaine et la dissipation progressive des facteurs d’incertitude économique et sanitaire. Ceci dit, relever les défis de relance et de retour à la normale ne serait pas le seul enjeu des politiques publiques à l’ère post-Covid-19, car de nouvelles tendances mondiales sont à l’œuvre et qui requièrent des politiques publiques adaptées, territorialisées et visionnaires.